Mobilisation de crise

16 Juin 2022
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C’est, une fois encore, la crise aux urgences hospitalières et le contexte (nous sommes à quelques jours du premier tour des élections législatives) se prête à une démonstration de force. Les personnels hospitaliers ont manifesté (7 juin) dans plusieurs dizaines de villes en France pour réclamer des hausses de salaires et d'effectifs sans attendre le résultat de la « mission flash » commandée par Emmanuel Macron au docteur François Braun (président de l’association Samu-Urgences de France) et dont les conclusions sont attendues pour début juillet. Pour cette première journée d'action du second quinquennat d’Emmanuel Macron, neuf syndicats et collectifs de soignants-es ont organisé des rassemblements dans au moins cinquante villes en France, le plus souvent devant des hôpitaux. Les personnels y ont dénoncé des conditions de travail « extrêmement dégradées », entraînant « une perte de chance réelle pour les personnes nécessitant des soins ». La mobilisation a aussi touché de plus petites localités comme Aurillac, Épernay ou Cherbourg, où Emmanuel Macron était venu, il y a quelques jours, annoncer une « mission flash » sur les services d'urgences. Faute de soignants-es, au moins 120 services ont été forcés de limiter leur activité ou s'y préparent, selon un décompte, fin mai, de l'association Samu-Urgences de France. La méthode ne convainc pas le secteur. Le premier syndicat français, la CFDT, explique ainsi : « Le temps des enquêtes est dépassé ». Son secrétaire général, Laurent Berger, a réclamé dans une tribune à Libération « des négociations urgentes sur l'organisation du travail » pour remettre sur pied un hôpital « au bord du KO ». Cette situation ne laisse pas indifférentes les associations de santé. France Assos Santé (FAS) a ainsi publié (7 juin) une lettre ouverte à Emmanuel Macron intitulée : « La crise de l’hôpital public menace la santé de la population ; nos associations veulent contribuer à sa résolution ». « De minutes de silence en tribunes médiatiques, en passant par les réseaux sociaux et les manifestations de rue, [les soignants-es, ndlr] nous alertent quotidiennement sur la crise que traverse notre hôpital public, qui se traduit par des fermetures de lits (15 % de lits fermés en moyenne), voire de services entiers, y compris des urgences médicales, une réactivation des plans blancs pour faire face au manque de personnel, etc. », expliquent les signataires, dont AIDES. « Le nombre accru de postes vacants, les grandes difficultés à recruter et à fidéliser les personnels médicaux et paramédicaux, la multiplication des arrêts de travail liés à des situations de « burn out », l’augmentation des fuites vers le privé et le recours croissant et coûteux au travail intérimaire sont autant d’indicateurs du malaise de l’hôpital et de la détresse des soignants, auxquels le Ségur de la Santé a tenté de répondre sans y parvenir », soutiennent les membres de FAS. Conséquence ? « Les patients que nos associations représentent sont de nouveau plongés dans une angoisse qu’ils partagent avec l’ensemble des familles et usagers du système de santé. Nous avons le sentiment que notre pays n’est plus en capacité de soutenir le système de santé qui nous permet d’accéder aux soins dont nous avons besoin dans des délais et à des conditions financières acceptables. Cette crise prive certains d’entre nous de soins essentiels, creusant de fortes inégalités entre les territoires et les établissements ». Et la lettre ouverte d’égrainer les périls qui s’annoncent : « Dans un tel contexte, comment affronterons-nous un éventuel rebond épidémique, annoncé à la rentrée ? Comment ferons-nous face aux conséquences d’une possible canicule estivale lorsque le personnel hospitalier sera en vacances ? Combien de déprogrammations seront décidées et quel en sera impact pour la santé des personnes concernées ? Et dès aujourd’hui, comment garantir la protection de la santé de tous, en tout lieu du territoire et à toute heure du jour et de la nuit ? » FAS craint qu’en cas de rupture de l’hôpital, on aille vers la « priorisation des malades » et « l’abandon des plus vulnérables d’entre nous ». FAS demande au « Président de la République, au gouvernement et au futur parlement, que des moyens soient mis en œuvre afin que les conséquences de cette crise ne se mesurent pas seulement en lits fermés et en nombre de personnels faisant défaut mais aussi en chances perdues voire en décès du côté des patients ». « Nous voulons un état des lieux précis (un observatoire), pour que les futures mesures tiennent compte, en tout premier lieu, de nos besoins croissants compte tenu du contexte épidémique et climatique, de notre santé mentale qui se dégrade et des défis qui restent à relever au regard du vieillissement de notre population et de la prévalence des maladies chroniques ». Le collectif réclame des « mesures urgentes pour les soins urgents, mais aussi pour les soins programmés et pour sécuriser le déroulement des plans nationaux de santé qui permettent à notre pays de se projeter dans une dynamique d’amélioration ». Il se rappelle aussi au bon souvenir présidentiel expliquant que les associations membres de FAS « souhaitent pouvoir discuter, aux côtés des autres parties prenantes, à l’occasion de la grande conférence sur la santé annoncée en juillet par le Président de la République ».