Six César pour "120 battements par minute"

Il était donné favori des César 2018. Le film de Robin Campillo, "120 battements par minute", n’a pas fait mentir les pronostics, puisqu’il a remporté pas moins de six trophées : meilleur film, meilleur espoir masculin pour Nahuel Perez Biscayart, meilleur montage, meilleur scénario original, meilleure musique et meilleur second rôle masculin pour Antoine Reinartz. Déjà auréolé du grand prix au festival de Cannes, "120 battements par minute" a donc dominé la soirée de bout en bout. Le film, vu par 800 000 spectateurs en salles, est le fruit de l’engament corps et âme du réalisateur dans ce projet. Robin Campillo a, en effet, attendu plus de vingt ans pour filmer le début de la lutte contre le sida, à travers le combat de l'association Act Up dont il a été un des militants. Un militant qu’il est resté puisque dans ses remerciements il a défendu les droits des travailleurs et travailleuses du sexe et dénoncer le sort fait aux personnes réfugiées. César de la meilleure musique originale pour le film de Robin Campillo, Arnaud Rebotini a rendu un hommage appuyé au réalisateur et à Act Up-Paris : "Si la musique de "120 battements par minute" a une profondeur, c’est qu’elle est la voix de ceux qui sont morts, qui ont perdu des proches, qui se sont battus et qu’on n’a pas voulu entendre. Je dédie ce prix à ces héros oubliés, d’hier et aujourd’hui, Act Up existe toujours et le sida n’est pas qu’un film". Tout aurait été parfait, si Valérie Pécresse, présidente (LR) de la région Ile-de-France, n’avait voulu, elle aussi, capté un peu des récompenses du film… dont la région est un des co-financeurs. A l'issue de la cérémonie, la présidente de la région Ile-de-France a partagé sa joie dans un tweet qui a immédiatement provoqué une série de réponses partagées entre la colère et l'ironie. "Fière que la région Ile-de-France ait soutenu ce magnifique film grâce à notre fonds de soutien au cinéma et à l'audiovisuel", a-t-elle écrit dans son message, considéré comme une manœuvre de récupération par les internautes et certains activistes de la lutte contre le sida. En cause, le grand écart de l'élue, qui a participé à certains rassemblements homophobes de la Manif pour tous contre le mariage homosexuel et conclu une alliance avec des membres du mouvement Sens commun (émanation politique de la Manif pour tous) après son élection en 2015, rapporte 6Medias. Mais les internautes ont également fait des reproches sur la politique actuellement conduite. "Si vous aviez un tant soit peu compris les luttes dont parle 120BPM, @vpecresse vous appliqueriez le jugement du tribunal administratif vous ordonnant de redonner le droit à la solidarité transports aux bénéficiaires de l'Aide médicale d'Etat. Votre fierté c du cinéma", déplore ainsi une activiste faisant référence à la décision de justice retoquant la suppression, voulue par l'élue, de la réduction de 50 % du Pass Navigo dont bénéficient plus de 100 000 personnes titulaires de cette Aide médicale d'Etat. Une question qui n’est toujours pas réglée. Interrogée samedi par le 4 mars par l’Obs, Valérie Pécresse s'est défendue de toute manœuvre politique. "Je suis personnellement intervenue pour que "120 battements par minute" puisse être subventionné par la région. Il n'avait pas été sélectionné lors de son premier passage en comité de lecture en raison du trop grand nombre de demandes. Il a pu être réexaminé une deuxième fois car on m'avait signalé le caractère exceptionnel du film". Elle rappelle ensuite être "membre d''élus locaux contre le sida depuis 2004" et avoir "fait adopter en 2016 un programme Ile-de-France sans sida qui est reconnu comme exemplaire", ce qu’elle a d’ailleurs rappelé sur France Inter (5 mars). Justement, forte de cela, elle devrait saisir les enjeux de la lutte contre le sida et comprendre que les entraves à la circulation des personnes ayant l’AME sont aussi des entraves à l’accès aux soins et pourtant elle ne fait pas appliquer le jugement du tribunal administratif.