Délai de résiliation assurance emprunteur

Publié par jfl-seronet le 21.01.2014
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Droit et socialAerasemprunt immobilier

Une lettre ouverte du CISS (Collectif interassociatif sur la santé), de AIDES, de SOS Hépatites, La Fédération française des Diabétiques, etc. vient d'être adressée aux sénateurs et sénatrices dans le cadre du vote en cours en deuxième lecture du projet de loi sur la consommation. En effet, l'article 19 de ce projet de loi prévoit de modifier les modalités de résiliation des contrats d'assurance souscrits par les emprunteurs lorsqu'ils réalisent un prêt bancaire, immobilier notamment. Dans sa rédaction actuelle, cet article aura des conséquences délétères certaines pour les personnes présentant un risque de santé aggravé voulant souscrire un emprunt. Ce courrier vise à attirer l’attention des parlementaires sur ce qui pourrait s'apparenter à une fausse bonne solution. Qu’explique le courrier ?

"Les associations membres du CIS, et ce collectif lui-même, sont signataires de la convention AERAS, et précédemment de la convention Belorgey. Ils travaillent ensemble, depuis plus de vingt ans, à faire reculer les barrières de l’assurabilité de ces personnes. Cette assurabilité dépend de deux éléments essentiels : la mutualisation des risques ;
et la prise en compte objectivée des progrès thérapeutiques dans l’évaluation du risque.

Avant la loi Lagarde qui l’a étendue à l’ensemble des emprunteurs, la convention AERAS avait initié la possibilité d’une délégation d’assurance emprunteur et prévu une validité de quatre mois de la proposition d’assurance de façon à pouvoir faire jouer la concurrence avant la réalisation de l’opération immobilière. En parfaite concordance avec le cadre juridique des prêts immobiliers, dans lequel la banque est liée par les conditions de son offre pendant 4 mois.

Le délai de résiliation de 12 mois prévu à l’alinéa 6 de l’article 19 octies du projet de loi que vous avez à examiner poursuit ce même objectif de concurrence, mais le déplace après la signature du prêt par l’emprunteur. Il ouvre une période inédite de renégociation qui risque de permettre en réalité aux seuls mieux portants et aux plus jeunes de rechercher un contrat plus attractif, une fois le prêt obtenu.

Cependant, ouvrir un délai d’un an pour sélectionner les meilleurs dossiers, ex post et sans contrainte, c’est ouvrir la voie à la démutualisation massive des contrats groupe d’assurance emprunteur. En effet, pour résister à la pression concurrentielle, les banques généraliseront vraisemblablement les contrats "low cost" pour ces clientèles sans risque, alourdissant par là-même le coût des primes pour ceux qui ont des problèmes de santé et plus généralement pour les les plus de 40 ans ainsi que les prêts plus longs.
Comme le rapport de l’Inspection générale des finances l’a indiqué, parmi les offres alternatives d’assurance, à côté des rares assureurs qui couvrent les risques aggravés, une majorité d’opérateurs ciblent quant à eux les clientèles les plus fortunées, les plus jeunes et les moins risquées… Cela menacera l’équilibre actuel de la convention AERAS : alors qu’à fin 2012 environ 210 000 emprunteurs présentant un risque aggravé de santé avaient pu être assurés par les contrats groupes bancaires standards sans surprimes ni exclusion, (soit 55% des personnes relevant de la convention AERAS, source rapport IGF), l’écartement des tarifs des assureurs alternatifs aboutira à généraliser un rapport de 1 à 7 entre les moins risqués et les autres, écartement qui ne s’inscrit que dans un rapport de 1 à 2,5 dans les contrats groupe actuels entre les moins de 30 ans et les emprunteurs âgés de 51 à 60 ans.

Dans le cadre d’un achat immobilier avec emprunt, l’actuel délai de 4 mois après la signature du prêt, soit 3 mois après la transaction, permet largement de faire jouer la concurrence entre les établissements. C’est d’ailleurs cette durée qui était préconisée par le rapport de l’Inspection Générale des Finances. Aller plus loin dans une logique individualiste d’accès à l’assurance présente de notre point de vue un trop gros risque de voir laisser au bord du chemin les personnes atteintes de pathologies chroniques.
(…) En espérant vous avoir fait entendre, par notre intermédiaire, la voix des millions de personnes potentiellement concernées par le fait d’emprunter avec un risque de santé considéré comme aggravé, nous vous remercions par avance de voter pour cet amendement".

Les associations appellent en conclusion les sénateurs et sénatrices à voter l’amendement déposé par Marie-Noëlle Lienemann qui permet d’éviter cet écueil.