Tieneke Sumter : "La marche est le moyen de montrer qui nous sommes !"

Publié par Mathieu Brancourt le 27.11.2013
6 601 lectures
Notez l'article : 
0
 
Initiativemarche de la fiertédroits lgbtdiscrimination

Se cacher, les lesbiennes, gays, bis et trans du Suriname en avaient assez. Alors il y a trois ans, elles et ils ont décidé de se montrer. Via la plateforme LGBT, toutes et tous réclament la reconnaissance de leur communauté, au-delà de la simple tolérance. Un préalable indispensable pour la quête de leurs droits d’après Tieneke Sumter, responsable Santé de l’organisation. Interview.

D’où est venue l’idée d’une marche annuelle de la fierté LGBT dans les rues de la capitale Paramaribo ?

Tout est parti des propos d’un député conservateur qui, en séance, a déclaré que les homosexuels étaient des "malades mentaux" qu’il fallait soigner. Par delà les mots très durs, c’est toute une communauté qui était niée sans que cela ne fasse bondir personne. Nous avons répondu par un défilé joyeux et coloré afin de dire que nous existions.

Pour vous les choses vont-elles dans le bon sens au Suriname ?

Cette première étape fut fondatrice. Par la suite, nous avons sollicité des ministres et des députés. Même s’ils ont répondu par la négative, le fait qu’ils prennent la peine de nous répondre, c’était la preuve qu’ils ne pouvaient plus faire comme si de rien n’était. Cette marche est le moyen de montrer qui nous sommes. Et les choses bougent. Cette année, la première Dame a accroché le drapeau arc-en-ciel pendant la semaine des diversités. Des entreprises, comme la "Staatsolie" [State oil company of Suriname, ndlr], acceptent de nous financer pour promouvoir les enjeux LGBT dans la société. Ce soutien, c’est le signe de l’émergence d’une nouvelle ère pour les droits des personnes.

Quels sont les grands chantiers de l’égalité ?

Il y a d’abord l’objectif de faire entrer la discrimination liée à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre dans les textes de loi surinamais. Aujourd’hui, l’article 8-2 du code pénal ne précise pas ces motifs et ne permet pas donc de poursuivre les auteurs d’injures ou d’agressions lesbophobes, homophobes et surtout transphobes. Avec les travailleuses du sexe, les trans sont les plus exposé-e-s à la haine et aux actes criminels. Un trans s’est fait récemment poignardé parce qu’il ne faisait pas "assez femme". Il faut donc continuer à sensibiliser l’opinion sur l’absence de protection juridique des LGBT pour que les politiques mettent cette question à l’agenda. Le volet social n’est pas à négliger pour autant. Les discriminations commencent dès la maison, au sein de sa propre famille. Le réveil des consciences sur l’impact de ces violences chez les jeunes doit être lancé dans l’enseignement pour une culture commune du respect et de la tolérance.

Et dans le champ de la santé ?

Sur les questions de santé, ces avancées que nous souhaitons rapides permettront peut-être la création de structures médicales adaptées, qui n’existent toujours pas. La vulnérabilité au VIH et aux IST est connue, mais il n’existe aucune donnée sur ces maladies. Les choses bougent, petit à petit, et le mouvement s’étend dans toute la région. CARIFLEX, une organisation caribéenne de défense des homosexuels va nous financer pendant trois ans, pour porter nos revendications en matière d’accès aux soins et aux droits au Suriname. Mais, à l’échelle régionale, c’est le combat pour plus de visibilité qui doit d’abord être enclenché.