Travail du sexe : la police américaine fait des dégâts

Publié par jfl-seronet le 24.09.2012
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La confiscation de préservatifs pour étayer des accusations de prostitution a pour effet de réduire leur utilisation au sein d'un groupe à haut risque : les travailleurs et travailleuses du sexe, dénonce le Human Right Watch (HRW), une des principales organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme. Cette pratique a des conséquences désastreuses aux Etats-Unis où elle est, hélas, appliquée dans de très grandes villes. Explications.
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La détestable pratique touche plusieurs grandes villes des Etats-Unis : New York, Los Angeles, San Francisco et même Washington. Curieusement, ce point n’a pas été évoqué par le maire de la capitale américaine lorsqu’il a dressé (avec son poids de cynisme) le portrait flatteur de son action en matière de lutte contre le VIH/sida. Cette pratique, c’est celle des forces de police de ces mégapoles qui confisquent des préservatifs trouvés sur des travailleuses et travailleurs du sexe, dont des trans, compromettant ainsi le succès des campagnes du Département américain de la santé visant à réduire l'incidence du VIH/sida. Cette absurdité qui confond, comme toujours, sécuritarisme et impératifs de santé publique, a été dénoncée par le Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié en juillet dernier.


Pour ce rapport, l’ONG des droits de l’Homme a choisi un titre très didactique : "Les travailleuses du sexe en danger : des préservatifs sont confisqués pour servir de preuve dans des accusations de prostitution, dans quatre villes des Etats-Unis". En 112 pages, ce rapport documente "dans chacune de ces villes comment la police et les procureurs utilisent des préservatifs pour étayer des accusations de prostitution". Résultat ? "Cette pratique décourage les travailleuses du sexe et les femmes transgenres de se munir de préservatifs de peur d'être arrêtées, les pousse à avoir des rapports sexuels non protégés et les expose au risque de contracter le virus du sida et d'autres maladies sexuellement transmissibles", assène le HRW.

"Dans chacune de ces villes, des travailleuses du sexe nous ont demandé quel était le nombre de préservatifs dont elles pouvaient légalement se munir", a expliqué lors d’un point presse Megan McLemore, chercheuse sur les questions de santé au Human Rights Watch. Et Megan McLemore de citer un exemple des aberrations auxquelles conduit une telle politique. "Une femme à Los Angeles nous a dit qu'elle n'osait pas avoir des préservatifs sur elle et qu'elle avait parfois dû utiliser un sac en plastique à la place d'un préservatif avec des clients, pour essayer de se protéger du sida".


Human Rights Watch a interrogé plus de 300 personnes pour ce rapport, dont "200 femmes travaillant ou aillant travaillé dans l’industrie du sexe, ainsi que des bénévoles de l'aide sociale, des défenseurs des droits humains, des procureurs, des avocats commis d'office, des policiers et des responsables du Département de la santé". Le rapport comprend, bien évidemment, de nombreux éléments à charge dont des témoignages de travailleuses du sexe et de femmes transgenres qui ont affirmé que "la police les avait harcelées, menacées et arrêtées pour avoir été trouvées en possession de préservatifs. A New York, à Los Angeles et à San Francisco, les procureurs font figurer des préservatifs parmi les éléments à charge lors des procédures judiciaires, appelant les tribunaux à les considérer comme preuves d'une activité criminelle. Pour des immigrantes, une arrestation pour prostitution peut entraîner l'emprisonnement et l'expulsion du territoire des Etats-Unis. Certaines femmes ont indiqué à Human Rights Watch qu'elles continuaient de se munir de préservatifs malgré les risques élevés, mais que beaucoup d'autres ne le faisaient pas.


Le rapport révèle aussi le décalage complet entre l’action des municipalités concernées et celle des forces de police de ces villes. D’un côté, on utilise les pires moyens pour interpeller, incarcérer et condamner. De l’autre, les municipalités de New York, Los Angeles, Washington et San Francisco font état de taux élevés d'infection par le VIH  parmi les travailleuses et travailleurs du sexe. Toutes, d’ailleurs, ont fait de la prévention du sida dans ce groupe une priorité de santé publique. De plus, pointe l’ONG, le gouvernement fédéral verse des millions de dollars à chacune de ces villes afin d'éviter les infections par le VIH dans les groupes considérés comme les plus exposés. Groupes dont les travailleuses et travailleuses font, bien évidemment, partie. "Ces villes ont distribué quelque 50 millions de préservatifs l'année dernière, a précisé Megan McLemore. Mais la police les reprend des mains des personnes qui en ont le plus besoin".


Du côté de la justice et de la police, on défend le principe de l'utilisation des préservatifs comme pièces à conviction, affirmant que cette pratique serait nécessaire pour appliquer les lois anti-prostitution… De quoi faire réfléchir alors qu’une partie du gouvernement français trouve que ce serait une bonne idée d’abolir la prostitution… et, à tout le moins, de pénaliser les clients.