« Thérapies de conversion sexuelle » :

Publié par jl06 le 03.09.2019
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« Thérapies de conversion sexuelle » : « Ces pratiques indignes ne reposent sur aucun fondement médical ou thérapeutique »

INTERVIEW La députée LREM de l’Allier Laurence Vanceunebrock-Mialon a lancé en juillet mission parlementaire « sur les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne »

Propos recueillis par Manon Aublanc

Publié le 03/09/19 à 06h05 — Mis à jour le 03/09/19 à 06h05 Un couple de femmes s'embrasse sur le Pont de Bir-Hakeim à Paris, le 14 février 2018.  Un couple de femmes s'embrasse sur le Pont de Bir-Hakeim à Paris, le 14 février 2018. — ALAIN JOCARD / AFP

  • Les « thérapies de conversion » sont censées faire changer un individu d’orientation sexuelle ou d’identité de genre. « Stages », « soins » et « séminaires », en France, la pratique est beaucoup plus officieuse qu’aux Etats-Unis.
  • Une mission parlementaire « sur les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne » a été lancée en juillet.
  • Laurence Vanceunebrock-Mialon, députée La République En Marche (LREM) de l’Allier, prépare une proposition de loi visant à mettre fin à ces pratiques.

Relativement connues aux Etats-Unis sous le nom de «thérapies de conversion sexuelle», en France, ces « stages », «soins» ou « séminaires » sont beaucoup plus « officieux ». Mais le but reste le même : amener une personne homosexuelle ou transgenre à changer d’orientation sexuelle ou à choisir la chasteté.

Si le Parlement européen a adopté, en mars 2018, un texte non contraignant appelant les États à interdire ces pratiques, rien dans la loi française n’empêche pourtant ces « thérapies ». Une mission parlementaire « sur les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne » a été lancée cet été en France. Depuis plus d’un an, Laurence Vanceunebrock-Mialon, députée La République En Marche (LREM) de l’Allier, prépare une proposition de loi visant à mettre fin à ces pratiques qu’elle juge « indignes ». 20 Minutes l’a interrogée.

En quoi consistent ces « thérapies de conversion sexuelle » ?

Les thérapies de conversion désignent un ensemble de pratiques physiques et psychologiques qui visent à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne. Elles peuvent être menées discrètement par des « thérapeutes », qui s’autoproclament experts sur la question, ou par des représentants ou fidèles de cultes ou de croyances, qui se proposent de « guérir » les homosexuels et les transgenres.

Ces « thérapies » prennent la forme d’entretiens, de stages ou, pire encore, de traitements par électrochocs et d’injection d’hormones. Elles peuvent altérer le jugement de la victime en lui faisant croire qu’une modification de son orientation sexuelle ou de son identité de genre est possible. Il faut quand même savoir que la France a officiellement retiré l’homosexualité et les troubles de l’identité de genre de la liste des affections psychiatriques respectivement en 1981 et en 2010. Ces « thérapies » indignes ne reposent donc sur aucun fondement médical ou thérapeutique.

Ces pratiques sont-elles courantes en France ?

Ces « thérapies de conversion » existent en France, mais tant que les auditions ne sont pas terminées, on ne peut pas donner plus de précisions. Ce que l’on peut dire, c’est que, selon les chiffres de SOS homophobie sur les comportements homophobes en France, en 2017, il y a une augmentation de 15 % du nombre d’agressions physiques LGBTphobes par rapport à 2016. Ce climat facilite entre autres l’émergence de telles « thérapies », qui, en plus, ne sont pas officiellement interdites dans notre pays.

Pourquoi avez-vous lancé une mission d’information parlementaire ?

Ce qu’il faut savoir, c’est que le Parlement européen a adopté, le 1er mars 2018, une motion condamnant les « thérapies de conversion » et a appelé les États membres de l’Union européenne à légiférer pour les interdire. Certains pays ont prévu d’interdire ces pratiques, voire ont déjà légiféré. C’est le cas de Malte qui a fait passer une loi en 2016. En France, ces pratiques existent et ne sont pas légalement interdites. La création de cette mission d’information va permettre de récolter les témoignages, qui serviront de complément et de matière à la proposition de la loi sur l’interdiction des « thérapies de conversion ».

Que contient votre proposition de loi ?

Elle va permettre, par la création d’une nouvelle infraction, de qualifier juridiquement toutes les pratiques fondées sur la croyance erronée que l’orientation sexuelle et l’identité de genre peuvent être « modifiées ». La proposition de loi, dans son état actuel, vise à ajouter une série d’articles au code pénal, pour couvrir le champ large auquel les « thérapies de conversion » peuvent renvoyer. Le texte introduit également des facteurs aggravants, comme la situation des mineurs ou des personnes en situation de vulnérabilité.

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LGBT : les "thérapies de conversion", ces pratiques bientôt interdites en France

MARIO TAMA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

ORIENTATION SEXUELLE, GENRE -La mission parlementaire sur "les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne" se réunit pour la 1re fois ce mardi 3 et mercredi 4 septembre à l’Assemblée nationale. Son objectif : faire interdire ces pratiques destructrices qui peuvent conduire au suicide.

3 sept. 18:35

Modifier l’orientation sexuelle d’une personne homosexuelle ou l'identité de genre d'une personne trans, la pousser à adopter une sexualité chaste : tel est l’objectif des "thérapies de conversion". Ces ateliers, stages, séminaires dispensés par quelques psychologues, thérapeutes ou religieux de façon officieuse et en secret en France, ne sont pas interdits. 

C’est pour recueillir des témoignages et rédiger une proposition de loi qu’une mission parlementaire sur "les pratiques prétendant modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne" a été lancée cet été par la députée LaRem Laurence Vanceunebrock-Mialon. "Il faut quand même savoir que la France a officiellement retiré l’homosexualité et les troubles de l’identité de genre de la liste des affections psychiatriques respectivement en 1981 et 2010. Ces 'thérapies' indignes ne reposent donc sur aucun fondement médical ou thérapeutique", a déclaré l'élue de l'Allier à 20 Minutes.

Véronique Lesage, responsable du dispositif d’écoute pour l’association Le Refuge, divise en trois catégories les "thérapies de conversion" : 

- sociétales : "la société pousse les homosexuels et transgenres à être dans la norme, à adopter des comportements hétéro-normés" ; 

- médicales : des psychiatres et charlatans sont persuadés que l'homosexualité et la transidentité sont des maux dont on peut guérir, et proposent leurs services en ce sens, souvent aux parents d'adolescents ; 

- spirituelles : la religion, qui rejette l’homosexualité, estime que les homosexuels sont possédés par un démon. Sont alors souvent pratiquées des séances "d'exorcisme, des onctions d'huile bénite, des impositions des mains, des prières qui consistent pendant plusieurs heures à hurler sur la personne à guérir", explique Véronique Lesage. Ces "thérapies de conversion" religieuses sont surtout répandues dans les religions chrétienne et musulmane. 

VIDÉO - À 12 ans, elle annonce son homosexualité dans son église mormone

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Des "guérisons" impossibles qui poussent au suicide

Selon elle, "toutes les trois sont dangereuses, et poussent au suicide lorsqu'on se rend compte que la guérison n'est pas possible". Le Refuge reçoit ainsi chaque mois deux à trois appels en rapport avec les "thérapies de conversion". "Nos interlocuteurs nous racontent qu’on les a forcés à en suivre une ou nous demandent comment faire pour l’éviter. Par exemple cet été, deux personnes nous ont appelé pour ça. La première devait faire face à sa famille qui voulait l’emmener chez le psychiatre pour la guérir ; la famille de la seconde la poussait à faire une séance d’exorcisme." La responsable du dispositif d'écoute estime à 3,5% les demandes concernant les "thérapies de conversion".

Parmi les témoignages recueillis par l'association qui accompagne les personnes rejetées par leur famille, celui de Viviane*: "Mes parents ont pris rendez-vous avec un exorciste pour moi. J'ai fait mon coming out la semaine dernière et, depuis, je vis l'enfer. Ils sont catholiques pratiquants et ils pensent que ce sont les démons qui sont entrés en moi et que je suis en perdition... Il faut que je parte de là avant qu'il ne soit trop tard. Ils deviennent violents alors qu'ils ne l'ont jamais été." Mélanie* rapporte : "Je suis allée voir un psychologue parce que mon père m'a dit que si je n'allais pas le voir, il me mettrait à la porte. Lorsque je lui ai expliqué la situation, ce psy m'a dit qu'il comprenait et qu'il allait me mettre sous antidépresseurs et anxiolytiques, et qu'on verrait si ça changeait quelque chose. Je suis choquée. Je suis vraiment malade alors ?" 

Les membres de l'UE appelés à légiférer

En mars 2018, le Parlement européen a adopté à une large majorité un texte non-contraignant appelant les Etats membres à interdire ces thérapies. Des débats sur leur interdiction éventuelle ont actuellement lieu en Belgique, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. En Allemagne, une loi est en préparation pour les interdire. Malte a légiféré dès 2016 pour interdire les "thérapies de conversion".

* Les prénoms ont été modifiés.