Toubon contre la pénalisation des clients de prostituées

10 Janvier 2016
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Le Défenseur des Droits, Jacques Toubon, s'est prononcé, fin décembre, contre la pénalisation des clients des travailleuses et travailleurs du sexe. Il ne souhaite pas la réintégration de cette disposition dans la proposition de loi qui sera de nouveau discutée en janvier à l'Assemblée Nationale. C’est ce qu’indique l’AFP qui a pu prendre connaissance d’un avis du Défenseur des Droits. Pour Jacques Toubon, "l'interdiction de l'achat d'un acte sexuel basée sur le modèle suédois n'est pas la mesure la plus efficace pour "réduire la prostitution et pour dissuader les réseaux de traite et de proxénétisme de s'implanter sur les territoires", et encore moins "la solution la plus protectrice pour les personnes qui resteront dans la prostitution" comme annoncé dans la proposition de loi". Il souligne notamment "que le modèle suédois — cité en référence — est aujourd'hui fortement controversé" et juge que "l'impact d'une telle disposition sur le phénomène prostitutionnel en France s'annonce limité, voire nul". Par ailleurs, la France comme la Suède manquent "de chiffres fiables" permettant "de quantifier les effets de la loi sur le système prostitutionnel", insiste-t-il. Ce sont les députés qui auront le dernier mot sur ce texte, qui fera un nouveau passage devant l'Assemblée le 27 janvier, avant une nouvelle lecture du Sénat, puis un éventuel ultime vote des députés, si le Sénat ne vote pas le texte conforme. Dans son argumentaire, Jacques Toubon note que les effets de la pénalisation des clients "sur la santé, la sécurité des personnes et leur accès aux droits fondamentaux sont bien étayés par les institutions internationales (Organisation mondiale de la santé, Onusida, Programme des Nations Unies pour le développement) et françaises (Conseil national du sida, Inspection générale des affaires sociales, Institut national de veille sanitaire)". L’avis souligne que la pénalisation des clients "accentuera la précarité des personnes prostituées en les forçant à davantage de clandestinité", "rendra plus difficile l'action des services de police dans la lutte contre la traite et le proxénétisme", exposera "davantage les prostitué-e-s à la violence de certains clients et aux contaminations au VIH et/ou aux hépatites virales", et les forcera "à accepter certaines pratiques ou rapports non protégés". Le Défenseur des droits regrette également "que les personnes prostituées soient uniformément perçues comme des victimes dans la proposition de loi, et souligne que la prostitution est un phénomène hétérogène et complexe". L'avis du Défenseur des droits "nous conforte dans ce qu'on dit, sans cependant se faire d'illusions quant à sa future prise en compte", a réagi Morgane Merteuil, porte-parole du Syndicat du travail sexuel (Strass), opposé à la pénalisation des clients, interrogé par l’AFP. "Toutes les organisations de défense des droits de l'Homme sont contre cette loi (...) Mais les politiques s'en foutent. Ils refusent de voir la vérité", a-t-elle ajouté. Pour l'Amicale du Nid, une association qui milite pour la sanction des clients, en revanche, l'avis est "consternant" et "montre que le Défenseur des Droits ne sait rien du système prostitutionnel.