LGBTQ : Qatar et détentions

14 Novembre 2022
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Droits humains. La police qatarie a détenu arbitrairement et maltraité des membres de la communauté LGBTQ, a assuré l'ONG Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié lundi 24 octobre, à un mois de la Coupe du monde de football. L’homosexualité est illégale dans ce pays. Les autorités du pays et les organisateurs-rices du Mondial ont affirmé que les couples homosexuels ne seraient pas inquiétés lors du tournoi. Comme l’explique l’AFP, l’État du Golfe a nié toute arrestation liée à l'orientation sexuelle et critiqué le rapport de l'ONG. Le Qatar est observé de près pour sa politique en matière de droits humains, à l'approche de la compétition qui doit attirer au moins un million de spectateurs-rices étrangers-ères. HRW dit avoir « documenté six cas de passage à tabac sévères et répétés et cinq cas de harcèlement sexuel en garde à vue entre 2019 et 2022 ». Le dernier cas remonte à septembre, selon l'ONG. Quatre femmes transgenres, une femme bisexuelle et un homosexuel racontent dans ce rapport comment des membres du département de sécurité préventive du ministère de l’Intérieur qatari les ont détenus-es dans une prison de Doha. Les services de sécurité « ont harcelé verbalement et maltraité physiquement des détenus-es, leur administrant gifles, coups de pied et coups de poing jusqu'à ce qu'ils saignent ». « Une de ces femmes dit avoir perdu conscience. Les services de sécurité ont également exercé de la violence verbale, poussé à des confessions forcées et interdit aux détenus-es d'obtenir des conseils juridiques, de contacter leurs familles ou de se faire soigner », assure l’ONG. Une femme trans qatarie fait état de sévices.  « Ils me battaient tous les jours et m'ont rasé les cheveux. Ils m'ont également demandé d'enlever ma chemise pour prendre ma poitrine en photo », explique-t-elle dans le rapport. Ces six personnes ont été forcées de débloquer leur téléphone, ce qui a permis aux autorités d'accéder à des informations sur des membres de la communauté, mais aucun d'entre eux n'a été inculpé, ajoute HRW. Les relations sexuelles hors mariage et l'homosexualité sont interdites dans cet État conservateur et peuvent être punies par des peines allant jusqu'à sept ans de prison. Un responsable du gouvernement qatari a déclaré que les allégations étaient « absolument fausses ». « Le Qatar ne tolère aucune discrimination à l'égard de qui que ce soit, nos politiques et procédures reposent sur un engagement en faveur des droits humains pour tous », a-t-il affirmé. HRW a appelé le Qatar à « mettre un terme aux mauvais traitements infligés par les forces de sécurité aux LGBTQ, y compris l'arrêt de tout programme parrainé par le gouvernement visant les pratiques de conversion ». Le responsable qatari a affirmé qu'aucun « centre de conversion » n'opère dans le pays. L'ONG a appelé la fédération internationale de football et le monde du football à presser le Qatar de lancer des réformes pour protéger la communauté. La Fifa a indiqué que les drapeaux arc-en-ciel de la communauté seront autorisés dans les stades.

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"Lâches et lamentables": les associations de défense des droits LGBT outrées par les propos tenus par le Niçois Hugo Lloris

La petite phrase d'Hugo Lloris, capitaine de l'Equipe de France, lors d'une conférence de presse en début de semaine a réveillé des sentiments de "honte" et de "colère", chez certains militants anti-discriminations. Entretiens et réactions avec deux militants de terrain qui luttent quotidiennement contre les discriminations.

Amandine Rebourg  Publié le 17/11/2022 à 17:11, mis à jour le 17/11/2022 à 17:37 Le Niçois et capitaine de l'Equipe de France, Hugo Lloris. Photo AFP

Hugo Lloris, capitaine de l'Equipe de France de football ne portera donc pas le brassard arc-en-ciel en soutien à la communauté LGBT, plus largement, pour défendre les droits humains et on est priés de passer à autre chose. 

Lundi 14 novembre, lors d'une conférence de presse, il avait dit vouloir "montrer du respect" au Qatar, pays organisateur et justifié sa décision ainsi: "lorsqu'on accueille des étrangers en France, on a souvent l'envie qu'ils se prêtent à nos règles et respectent notre culture. J'en ferai de même lorsque j'irai au Qatar", avait-il indiqué, assurant que son avis rejoignait celui de son président, Noël le Graët, peu favorable à l'initiative. 

Statu quo à la FIFA sur l'initiative du brassard arc-en-ciel 

Les joueurs ont en effet renoncé à l'initiative commune à plusieurs sélections européennes, qui souhaitent que leurs capitaines portent durant la compétition un brassard à bandes colorées, en soutien à la lutte contre les discriminations. La Fifa n'a toujours pas donné son feu vert quant à cette opération, alors que l'homosexualité est criminalisée dans l'émirat gazier.

Les propos tenus en conférence de presse ont largement interrogé, et les Bleus ont annoncé dans une lettre commune, qu'ils avaient l'intention de soutenir financièrement des ONG de défense des droits humains via leur fonds de dotation Génération 2018. Une manière de rappeler que leur "passion ne doit pas être la cause du malheur de certains", selon une lettre collective. 

 

Fin de la polémique? Pas si sûr car elle semble coller aux crampons de l'Equipe de France et pour un moment. D'autant que plus tôt dans la journée, le président français a insisté sur le fait qu'il "ne fallait pas politiser le sport", après avoir annoncé sa présence au Qatar pour la demi-finale ou la finale en cas de présence de l'équipe de France.

À Nice, ces propos tenus choquent 

Les sorties d'Hugo Lloris et celle de Noël Le Graët ont indigné certaines associations de lutte contre les discriminations et militantes LGBT. Pour Erwan Le Hô, coordinateur du centre LGBTQIA+ à Nice, les propos tenus par Hugo Lloris, sont "lâches et lamentables". "Hugo Lloris dit qu'il veut respecter la culture locale, mais est-ce qu'on sait bien de quoi on parle? On parle de mise à mort de personnes en raison de leur orientation sexuelle", rappelle le militant. 

"Le port d'un brassard, c'est le minimum d'engagement qu'on pouvait suggérer aux équipes et on n'a même pas ce minimum syndical. On est en dessous du degré zéro de l'engagement. Quand on représente la France qui se targue d'être le pays des droits humains, je trouve ça terriblement lamentable (...) Dans leur expression personnelle, les joueurs auraient pu avoir ne serait-ce qu'un peu d'empathie pour les personnes menacées de mort, ça aurait pu être le minimum syndical", juge-t-il. 

Ça a un impact dans la vie des gens, de tenir des propos pareils

Pour lui, ces propos viennent également percuter les actions mises en place pour tenter de faire évoluer les mentalités: "c'est un très mauvais signal, le foot a cherché à évoluer, il y a des projets et cela va dans le bon sens mais ces déclarations viennent ruiner l'ensemble des signaux positifs que le football français commençaient à émettre. C'est très grave et contre-productif".  

À l’inverse de l'équipe de France, d'autres équipes ont fait le choix d'afficher leur soutien à la défense des droits humains, comme les Etats-Unis, L'Allemagne ou le Danemark. "La FFF est en retard et est à contre courant du mouvement qui commence à s'amorcer. Cette expression est en dessous de tout, on est au-delà de la frilosité, de la part de la fédération", juge ce dernier. "Ca a un impact dans la vie des gens, de tenir des propos pareils, cela banalise l'homophobie. Cela freine le travail fait contre l'homophobie dans le sport, par les associations, les clubs amateurs. Cela met une claque pour les gens comme nous. Quand on n'a pas un mot là-dessus, on semble entériner que cela se respecte (...) On dit aux gamins que la condamnation à mort des homosexuels, finalement, ça se respecte puisque ça ferait partie de la culture".

 Le travail avec l'étiquette FFF, c'est fini!

Une colère que partage Yoann Lemaire, ancien footballeur, président de l’association Foot Ensemble et personnalité de la lutte contre l’homophobie en France. Selon lui, les propos tenus par Hugo Lloris reviennent à dire "respectons la persécution, le sexisme, le fait qu'il n'y ait pas de droit du travail, la peine de mort (...) C'est culturel de taper sur les homosexuels et les mettre en prison. Il ne devait pas dire ça, dit-il, résigné. Si c'est son avis, il faut le respecter, mais il est quand même capitaine de l'équipe de France. Il représente une nation, un pays, il faut réfléchir sérieusement avant de donner son simple avis". 

Récemment, sur le tournage d'un clip avec Hugo Lloris sur la lutte contre l'homophobie, il dit avoir "déjà alerté tout le monde sur son positionnement et ses réponses assez inquiétantes". Et de décrire une personne "pas sensible, pas à l'aise avec le sujet". "J'ai de meilleures réponses quand je vais dans un collège ou dans un centre de formation chez les jeunes", poursuit cet ancien footballeur qui intervient régulièrement dans des centres de formations de jeunes. ​"À Nice, le club fait des actions, les jeunes sont biens. Ils sont plus intelligents et plus avancés qu'Hugo Lloris. Il y a un décalage". 

"Dépité" mais "pas surpris" par la teneur de ces propos, tant de la part de Noël Le Graët que d'Hugo Lloris, il a observé un "revirement politique" ces derniers mois, sur ce sujet. Désormais, "il ne faut pas bouger, pas broncher""J'ai rencontré le président Macron et on a échangé sur l'homophobie. Ça lui semblait essentiel et il l'a dit publiquement qu'il fallait chasser l'homophobie et le racisme dans les stades, dans le sport. Moi je l'ai cru, il était sincère. Là, tout le monde se tait. Je trouve que le gouvernement a fait un revirement à 180 degrés et a fait a reculé énormément de choses, parce que c'est la Coupe du monde au Qatar. Quelle honte!", dit-il et de pointer du doigt le silence des ministres Marlène Schiappa et Isabelle Rome, ministre de l'Egalité Femmes-Hommes.