Prison : loin des yeux, loin des droits

24 Octobre 2020
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Mi-juillet, le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) publiait un Avis, suivi de recommandations ainsi qu’un « Rapport sur la prévention, le dépistage et le traitement de l’hépatite C chez les personnes détenues ». Le rapport estime que « moins d’une personne sur deux porteuses du VHC initie un traitement au cours de son incarcération ». Cette situation s’explique par « l’insuffisance du dépistage » et « l’incohérence des limitations d’accès aux outils de réduction des risques en milieu pénitentiaire ». Dans un communiqué, plusieurs associations et syndicats (1) font le constat, qu’elles dénoncent, d’une « situation d’inégalité radicale dans l’accès aux soins et aux outils de prévention entre l’extérieur et l’intérieur des murs de la prison ». « Loin d’être des faits inédits, ce rapport met en lumière le désintérêt total de l’autorité publique pour l’état de santé de la population carcérale », tacle un communiqué commun. Dans ce texte, les structures signataires dénoncent : « L’inertie des pouvoirs publics pour appliquer une politique équitable et adaptée de prévention et réduction des risques en prison ». La circulaire du 8 décembre 1994 proposait d’ « assurer aux détenus une qualité et une continuité de soins équivalentes à celles offertes à l’ensemble de la population ». La loi de modernisation du système de santé de 2016 a ajouté que « la politique de réduction des risques et des dommages s'applique également aux personnes détenues ». La stratégie Santé des personnes placées sous main de justice (PPSMJ) de 2017 a d’ailleurs proposé des actions pour « un accès aux soins équivalent à la population générale et limiter les facteurs de risque ». On le voit, il y a tout ce qu’il faut en matière de textes, mais rien ne bouge. « Lois, rapports, recommandations, propositions et revendications associatives se succèdent sans que les ministères concernés s’en emparent », critique le communiqué. Celui-ci s’énerve également de la « vacance du poste de Contrôleur général des lieux privatifs des libertés (CGLPL) ». Depuis le départ d’Adeline Hazan le 16 juillet 2020, la nomination de son successeur se fait toujours attendre. Le gouvernement a récemment annoncé une nomination avant le 15 octobre. Est aussi mise en cause, le « manque de transparence des autorités ». Dans une lettre de mission du 4 janvier 2017, la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, avait demandé à l’Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) un rapport sur l’accès aux outils de réduction des risques et des dommages pour les usagers de drogues. Ce rapport a été remis en décembre 2017. Il contiendrait des recommandations pour les personnes détenues, mais le document n’a jamais été rendu public (2). Les signataires en réclament « la publication immédiate ». Et le communiqué de conclure : « Être privé-e de liberté ne signifie en rien être privé-e de droits. Être exposé-e à des maladies ou ne pas être soigné-e ne fait pas partie de la peine. Le droit à la santé est un droit fondamental aujourd’hui bafoué par les institutions censées en être les garantes. Nous en appelons une nouvelle fois à la responsabilité du gouvernement pour garantir un accès équitable et effectif aux soins et aux outils de prévention pour toutes les personnes incarcérées ».

(1) : Association des secteurs de psychiatrie en milieu pPénitentiaire (ASPMP), Collectif TRT-5 CHV (Acceptess-T, Act Up, Act Up sud-ouest, Actif Santé, Actions Traitements, AIDES, Arcat, Asud, Comité des Familles, Dessine-moi un mouton, Hépatites/Sida Info Service, Nova Dona, Sol En Si), la Fédération Addiction, l’Observatoire International des Prisons (OIP), Sidaction, le Syndicat des Avocats de France, le Syndicat de la Magistrature, Le Tipi.
(2) : Le CNS, qui a pu avoir accès à ce rapport dans le cadre de la présente mission regrette de ne pouvoir faire état des conclusions et des préconisations de ce document en raison de son caractère confidentiel, et estime qu’il devrait être rendu public. »