Schiappa interpellée sur les TDS

7 Avril 2020
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Le 1er avril dernier, la députée (LREM) Laurence Vanceunebrock-Mialon a alerté la secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa « sur la situation des travailleurs-ses du sexe et des personnes en situation de prostitution durant la crise du Covid-19 ». « Des mesures doivent être prises pour les protéger en leur apportant aides financières et matérielles », a-t-elle indiqué dans un tweet, début avril. Dans sa lettre, la députée attire l'attention de la ministre « sur la situation de détresse à laquelle sont confrontés les travailleurs du sexe et les personnes en situation de prostitution dans le cadre de la crise sanitaire actuelle ». La députée indique, notamment, que : « Face à la hausse sensible de la précarité de ces personnes, Médecins du Monde a observé que certains-es n’ont d’autre choix que de poursuivre leur activité, ce qui participe à la propagation de l’épidémie de Covid-19 et expose les personnes en situation de prostitution à une hausse des violences » Laurence Vanceunebrock-Mialon estime qu'il est « essentiel de permettre à ces personnes de respecter les obligations de confinement et de distanciation sociale liées à l’état d’urgence sanitaire ». Mais cette logique sanitaire est difficilement applicable « compte tenu de la nature informelle » de l'activité du travail du sexe et « la précarité accrue observée ces dernières années », depuis l'entrée en vigueur de la loi sur le travail du sexe de 2016. « La cessation de toute activité liée au travail du sexe entraîne une perte de revenus substantielle qui place (les travailleurs et travailleuses du sexe) dans une situation de fragilité extrême sur le plan économique et social », note la députée. La parlementaire demande donc que dans ce contexte des « mesures » soient « mises en œuvre par le gouvernement ». Elles portent sur deux problématiques. « En premier lieu, ces personnes sont exposées à des risques d’expulsion. Les associations de santé communautaire qui accompagnent les travailleurs du sexe, ainsi que les associations d’auto-support font en effet état de la difficulté de ces personnes à payer la note des chambres d’hôtels dans lesquelles elles vivent. D’autres se trouvent en situation de vulnérabilité face aux pressions des propriétaires d’appartements dans lesquels elles sont domiciliées en raison du caractère informel de la location qui s’explique, notamment, par les discriminations d’accès au logement fondées sur la nature de leur activité, leur statut de femmes migrantes, ou encore, leur identité de genre », indique Laurence Vanceunebrock-Mialon. La députée note que certaines mesures annoncés par le ministre chargé de la Ville et du Logement offrent des « premières pistes de réponse », mais seront sans doute insuffisantes. La députée de la majorité demande donc un « moratoire sur les expulsions concernant les travailleurs du sexe étant actuellement logées dans des hôtels ». L'autre problématique concerne le « nombre de refus croissant des paiements en espèce de la part des commerçants du fait du risque de contamination au Covid-19 ». « Les travailleurs du sexe dont les ressources financières se composent essentiellement d’argent liquide sont en effet particulièrement pénalisés ». Si la députée salue le « maintien de l’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle en faveur des personnes prostituées engagées dans des parcours de sortie de la prostitution (ordonnance n° 2020-312 du 25 mars 2020 relative à la prolongation de droits sociaux) », il convient « d’observer qu’un nombre très restreint de personnes en situation de prostitution en bénéficient depuis sa mise en œuvre ». De ce fait, le « conditionnement du versement de cette aide à l’arrêt de la prostitution pénalise aujourd’hui une partie non négligeable des travailleurs du sexe », constate la députée. Alors que les associations de défense des droits des travailleurs et travailleuses du sexe s'organisent pour répondre aux problèmes urgents (nourriture, aides financières...) rencontrés du fait d'une baisse de l'activité et de l'absence de revenus alternatifs, la députée sollicite la « bienveillance » de la ministre « pour qu’une réflexion soit menée, en concertation avec l’ensemble des associations, pour définir la manière dont les crédits du programme n°137 consacrés à l’accompagnement des personnes en situation de prostitution » puissent être redéployés « pour abonder un fonds de soutien exceptionnel aux prostituées et aux travailleurs du sexe géré par l’État ». Ces fonds sont actuellement sous utilisés, ils pourraient, gérés par l'État, financer des mesures comme une « aide matérielle à l’attention des travailleurs du sexe : distribution de nourriture lors de maraudes, financement de chambres d’hôtel, aide au paiement de loyers », une « aide financière aux associations de santé communautaire ou associations d’auto-support qui accompagnent les personnes en situation de prostitution, sans condition d’arrêt de la prostitution », le « financement de kits de prévention (masques, gel, thermomètres) à l’attention des acteurs associatifs et des bénévoles chargés de distribuer les produits de première nécessité et d’assurer la continuité de l’accès aux soins à l’attention des travailleurs du sexe et des personnes prostituées ». La parlementaire a également demandé que le « ministère de l’Intérieur puisse prendre des mesures visant à garantir l’accessibilité des règles entourant le confinement pour les publics non francophones, le secret médical en cas de contrôle des attestations par les forces de l’ordre » et « rappeler les codes de bonne conduite en cas de contrôle de personnes trans ». À ce jour, il ne semble pas que la secrétaire d'État ait répondu à la députée. Le 31 mars dernier, Marlène Schiappa était l'invitée de l'émission C à vous, émission-phare de France 5. Elle a notamment été interpellée sur la gestion de l'épidémie actuelle par le gouvernement. « Je crois que c'est plutôt sain, dans une démocratie, de pouvoir critiquer le gouvernement », a-t-elle expliqué sur le plateau. « Personne n'entend museler la parole de qui que ce soit », a-t-elle juré, tout en expliquant que l'heure n'était pas aux polémiques. Elle a voulu faire passer un message aux Français-es : « Je crois qu'il est tout aussi sain, dans une période de crise telle que nous connaissons, d'appeler à l'unité nationale ». Dans son interview, la secrétaire d'État a largement évoqué certains de ses dossiers, dont celui des violences faites aux femmes qui explosent depuis le début du confinement. « Je souhaite très sincèrement que tous les dispositifs que nous lançons pour protéger les femmes soient partagés », a-t-elle appuyé. Mais toutes les femmes ne semblent pas avoir le même intérêt pour elles. En tout cas, son ministère ne s'exprime pas sur les enjeux sanitaires et sociaux actuels des personnes travailleuses du sexe dans le contexte épidémique dont elles sont aussi les victimes. Il ne prend pas de mesures spécifiques pour les « personnes en situation de prostitution », d'où l'interpellation de la députée. Ce sont pourtant majoritairement des femmes qui sont concernées, qui sont exposées à des risques plus élevés de violences, de risques pour leur santé. Tout récemment, le militant Thierry Schaffauser, un des responsables du Strass (le syndicat du travail sexuel), a publié un article très documenté sur les enjeux de l'infection à Covid-19 et les besoins à court terme et à moyen terme pour les travailleurs-ses du sexe.
Récemment, on apprenait dans les colonnes du Parisien que le président de la République ironisait au sujet de « toutes celles et tous ceux qui avaient prévu les éléments de la crise une fois qu'elle a eu lieu ». Mais dans l'interpellation de la députée, rien de cela, les problèmes sur lesquels la parlementaire attire l'attention du gouvernement et à propos desquels elle escompte une réponse et des solutions sont ceux d'aujourd'hui. Que compte répondre la secrétaire d'État ?