Des fois j’imagine la gueule du chef de chantier….

Publié par Unan le 20.01.2012
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Il faut donc entrer en guerre. Se battre contre une abstraction. Un sujet invisible. Un objet méprisant. Et rien ne se fait seul, sans écorchure, sans douleur. Je livre à Denis mon corps comme à un enfant son jouet de noël. Je suis son « petit chimiste ». Pour débuter, on mettra des bleues, des blanches, et quelques beurks ! Oui, les gélules que je n’ai jamais réussi à avaler correctement, même les jours de grandes salivations, pour moi s’appelleront dorénavant des « beurk ». « Et on se revoit dans 3 mois pour voir si ça marche !!»  Quel con !!  Des fois j’imagine la gueule du chef de chantier en arrivant : « Mais qu’est-ce qui m’a foutu un merdier pareil !! T4 au rapport…. T4 AU RAPPORT !!...Sont où les T ??... Sont là chef…. C’est les 2 qui restent. Et les plaquettes !! Elles dorment ou quoi….euh, non, chef, y’en a plus. Mais qu’est-ce que vous voulez que je fasse avec rien moi !!». J’y perds un peu de tout. Un peu d’amis vu mon humeur maussade. Un peu de muscles pour un déstockage massif. Un peu de rêve, d’illusions. Si les trimestres se suivent, pas les combinaisons. Chacune draine son nouveau modèle de piluliers. Des qui sonnent, des qui « sont pratiques », des « qui me rappellerons que je dois avaler les beurks ». Ma table de nuit est envahie. Je passe l’hiver. Je passe l’été. Je passe l’année. Je passe 1996. Mon Denis Malice a pour Noël plein de nouvelles combinaisons. Il va pouvoir jouer. Je le taquine. Il est intelligent mon Denis. Il vient de me sauver la mise.


En appui au corps, il faut réparer l’esprit, reformater le disque dur. Chantal embarque dans l’aventure. Elle monte à bord du vaisseau qu’est mon esprit. Pour aller « au devant, plus loin, reculer l’impossible »… Elle est comme ces petits personnages de Walt Disney. Si petite, si lumineuse, si dégoulinante de bienveillance. Mais elle maitrise l’apnée. Elle m’accompagne dans une plongée interne. Pour découvrir le sens. Pour découvrir mes sons. Semaine après semaine. On colmate la brèche, on l’adoucie, on l’embellit. Et si comme pour les compagnons bâtisseurs, les travaux de restauration sont longs, ils consolident ce que je pressens de mon envie de livrer bataille. Je m’occupe alors de moi. De mes rêves, de mes envies. De mon cœur….Et je m’engage. Je me trompe. Je blesse l’autre. Je reviens.  Je repars. Je me trompe de château comme de prince. Bref, je fais presque comme tout le monde. Est-ce donc ça « être pareil » ? En fait je n’ai pas tant changé.

L’envie me prend de tout reprendre en main. Le sens de ma vie. D’aligner les compteurs. C’est quoi ce travail de merde ou on me demande d’aller à l’encontre de mes convictions personnelles. Allons, courage, et changeons d’axe ! Cathy m’offre trousse, cartable, goûter et direction la Fac. Non bachelier, je suis pas peu fier de ressortir diplômer. Une première fois. Puis une seconde. Un travail ne suffit pas. Prenons-en un second. Toujours insatisfait ? Engageons-nous, allons au front !! Courage moussaillon !! Comment ai-je pu rester sur le trottoir à regarder les autres se battre pour moi ? Et tout doit aller vite, encore faire plus, rattraper le temps perdu. Agir. « Complexé de survivre ? » me demande Denis. « C’est bien inutile… » commente Evelyne. Dans l’antichambre de Chantal, je reste aveugle. On va tous trop vite. Moi et ma voiture blanche. La fille blonde dans sa corsa sombre. Strike ! Jeux, set et match ! C’est elle qui gagne par K.O. franc. Deux tonneaux plus loin, ils mettent du temps à me sortir de la conserve. Un mois plutôt des examens m’annonçaient des os au bord de la rupture. Je m’en tire avec presque rien. Et toute la nuit aux urgences pour y penser.

Faire la guerre pour une juste cause, oui, mais à quel prix ? Oh….mon nouvel amour… gardes moi dans tes bras, près de ton cœur, à la maison.
(Dans un mois j’ai 20 ans… 3éme partie)

http://www.youtube.com/watch?v=F2mr2yY5F3c

Commentaires

Portrait de coffeetea

Touchant ton témoignage Unan... Et ca m'a fait marrer, tout ce temps à avaler des beurks! On se demande comment tient le Denis de chacun...!! Courage, tient bon.