La Faim fait oublier bien des choses

Publié par jl06 le 11.11.2020
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La viande de singes, d’antilopes ou de pangolins s’arrache toujours en RDC, malgré les risques de maladie

Alors que de plus en plus d’espèces sont menacées d’extinction du fait de la surchasse et de la déforestation, la demande de viande de brousse ne faiblit pas et le braconnage s’intensifie.

Par Guillaume Jan Publié aujourd’hui à 13h00, mis à jour à 13h38

 

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Un cercopithèque tué par des chasseurs près de Mbandaka, en République démocratique du Congo, en avril 2019.

 

Un cercopithèque tué par des chasseurs près de Mbandaka, en République démocratique du Congo, en avril 2019. Thomas Nicolon / REUTERS

Deux porcs-épics, deux antilopes pas plus hautes qu’un lévrier et trois macaques boucanés. Dans la pénombre de sa case, Jean-Paul Ebao montre le fruit de sa dernière battue – trois jours passés « en brousse », dans une forêt de l’Ituri, une province du nord-est de la République démocratique du Congo (RDC). Corps vif et sec dans une chemise élimée, l’homme est chasseur professionnel. Armé de sa carabine, de cartouches « double zéro » ou de munitions qu’il fabrique lui-même avec des plombs et du soufre d’allumettes, il arpente régulièrement la jungle qui s’étend derrière son village de Bayenga. « Cette semaine, j’ai marché quatre heures avant de pister ma première antilope », raconte le quadragénaire.

« Quand j’étais enfant, les animaux s’approchaient au point de rentrer parfois dans les cases. Aujourd’hui, il faut s’éloigner toujours plus pour trouver du gibier. »

Surchasse et déforestation obligent, la viande de brousse est devenue une denrée rare ces dernières années en RDC. D’après le dernier « Rapport planète vivante » du Fonds mondial pour la nature (WWF), publié en septembre, les populations d’animaux sauvages ont chuté de 65 % en Afrique en l’espace de cinquante ans. Dans le seul bassin du fleuve Congo, entre 5 et 10 millions de tonnes de viande sont prélevées chaque année. Eléphants, rhinocéros, okapis, primates et quantité d’autres espèces y sont en grave danger d’extinction.

Article réservé à nos abonnéJusqu’aux années 1970, la faible densité humaine et la relative inaccessibilité de la forêt équatoriale assuraient à la faune une certaine protection. Mais la pression démographique s’est accélérée. En quatre-vingts ans, la population congolaise a décuplé, passant de 10 millions d’habitants en 1940 à 100 millions aujourd’hui. Avec plus de six enfants par femme, le taux de fécondité reste très élevé dans les villages. Les exploitations minières ou forestières qui se développent ont également contribué à accroître la population dans des régions autrefois isolées, où de nouvelles pistes sont tracées et de nouvelles parcelles déboisées, accélérant la destruction des habitats naturels.

« Il n’existe aucun contrôle sanitaire »

Ce bouleversement des écosystèmes a de graves conséquences sur l’ensemble du vivant. La promiscuité inédite entre les hommes et les animaux de la forêt profonde engendre de nouvelles maladies. Le coronavirus responsable de la pandémie de Covid-19 qui a débuté en Asie en est l’exemple le plus spectaculaire. Si, pour l’instant, aucune étude n’a clairement établi de lien direct avec un animal sauvage, le génome du SARS-CoV-2, à l’origine de l’épidémie, a été identifié comme étant à 96 % identique à celui d’un virus de chauve-souris (le RaTG13). Reste à déterminer comment il a franchi la barrière d’espèce avec l’homme.

Le pangolin, une espèce chassée dans les forêts du bassin du Congo, a d’abord été soupçonné d’être cet « hôte intermédiaire ». Mais cette piste est remise en cause aujourd’hui. « Le taux d’identité entre les séquences de SARS-CoV-2 et celles issues du pangolin n’atteint que 90,3 %, ce qui est bien inférieur aux taux habituellement observés entre les souches infectant l’humain et celles infectant l’hôte intermédiaire », déclarait en octobre le virologue Etienne Decroly, spécialiste des virus émergents au CNRS à Marseille. Reste que le risque de transmission de pathologies de l’animal à l’homme demeure élevé du fait de cette nouvelle promiscuité. Cela a été le cas pour le VIH (le virus du sida se serait transmis par voie sanguine après qu’un chasseur se fut blessé en coupant de la viande infectée dans la forêt du bassin congolais) ou pour le virus Ebola, qui se transmet par les fluides corporels.

Article réservé à nos abonné« Malgré cela, les Congolais disent ne pas avoir peur de tomber malade en consommant de la viande de brousse », signale Karen Saylors, anthropologue américaine ayant travaillé plusieurs mois sur la transmission des maladies du gibier à l’homme. Dans son bureau à Kinshasa, la chercheuse explique :

« Les habitants ne croient pas que les animaux sauvages puissent transmettre des maladies, bien qu’il n’existe aucun contrôle sanitaire pour cette viande. Elle arrive dans les villes de manière informelle et est vendue directement sans être examinée par le moindre vétérinaire. »

Porcs-épics, petits singes, crocodiles…

Pour s’en convaincre, il suffit de se rendre au marché du port fluvial de Ndolo, à Kinshasa. Allées boueuses, cohue spectaculaire, pousse-pousse chargés de marchandises, dockers pressés, motos pétaradantes, odeurs de fruits mûrs et de poissons salés, musique partout. Sous les parasols bariolés, les étals exposent tout ce qui peut être produit à l’intérieur du pays en termes de nourriture, débarquée des barges grabataires qui circulent tant bien que mal sur le fleuve Congo. Dans une allée, des échoppes vendent du porc-épic, du cochon sauvage, des quartiers de buffles, des petits singes, des tortues ou même de jeunes crocodiles encore vivants.

« Nos clients n’expriment pas de scrupules à consommer ces animaux, dit une vendeuse. Leur chair a un goût fort, presque épicé. Elle est très protéinée, elle rend fort. »

Surtout, au fur et à mesure que la viande de brousse se raréfie, son coût augmente. La demande, qui ne tarit pas à Kinshasa, incite les braconniers professionnels à intensifier leurs campagnes de chasse, sans respecter les périodes de reproduction ni aucune règle de pérennité des espèces. Devenue plus lucrative, la chasse commerciale se développe dans des proportions insoutenables, notamment dans le but d’alimenter les trafics qui s’intensifient à l’échelle mondiale. Le WWF estime que 3 millions de tonnes de gibier sont prélevées chaque année dans la forêt congolaise rien que pour ce commerce illégal. Le reste est consommé par les habitants des zones forestières ou, plus généralement, des villes.

« La chasse et le commerce de viande constituent les principales menaces pour 85 % des primates et des ongulés », avance le Belge Alain Huart, coordonnateur du programme agriculture et forêt du WWF. Pour ce spécialiste du développement rural, la priorité pour protéger la faune est, sinon de limiter la consommation de protéines animales, du moins de remplacer la consommation d’animaux sauvages par l’élevage et la pisciculture. « Non seulement cette option offre un accès aux protéines sans nuire à la faune, mais les déjections des animaux élevés permettent d’enrichir la terre et donc d’améliorer les rendements des cultures agricoles sans avoir à réaliser de nouveaux brûlis. »

« Ils tirent sur tout ce qui bouge »

Le président Félix Tshisekedi, au pouvoir depuis janvier 2019, a évoqué à plusieurs reprises son souhait de développer le secteur agricole, et notamment l’élevage, pour atteindre l’autosuffisance alimentaire. Un grandiloquent « plan stratégique de la pêche et de l’élevage » a été annoncé pendant l’été pour la période 2020-2022.

« Nous n’avons pas forcément besoin de projets de grande envergure », tempère Bodrick Boalé, étudiant en sciences de l’environnement, qui participe au Projet agricole rural de conservation du complexe de la Salonga (Parccs), mené avec l’ONG italienne ISCO et le WWF :

« Nous encourageons plutôt les petits élevages menés dans des fermes familiales. Ils demandent peu d’investissements et sont accessibles à tous, y compris aux femmes. Si ces initiatives sont suffisamment nombreuses, elles pourraient répondre à la demande en viande des villes, tout en permettant le développement économique et social du monde rural. »

En attendant, Jean-Paul Ebao voit de plus en plus d’étrangers sillonner son coin d’Ituri. « Ils arrivent de loin, restent quelques jours ou quelques semaines et tirent sur tout ce qui bouge. Ils n’ont qu’un objectif : rapporter un maximum de viande pour la vendre en ville », se désole le chasseur, contraint de s’enfoncer de plus en plus profondément dans la forêt.

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Jane Goodall: "Nous avons facilité les choses pour le coronavirus"Le spécialiste des primates le plus connu au monde intervient dans un nouveau documentaire sur la plateforme, avertissant que la surexploitation de la nature conduit à une catastropheJane Goodall, à Barcelone en décembre 2018. En vidéo, la bande-annonce «Le début de la vie 2: dehors». JUAN BARBOSA

 

Barcelone - 12 NOV.2020 00:30

Les enfants doivent pouvoir profiter pleinement de la nature comme moyen indispensable de forger leur caractère et aussi comme droit inaliénable, car elle est essentielle à leur santé physique et émotionnelle. Il est soutenu par la primatologue Jane Goodall, la grande spécialiste mondiale des chimpanzés - et qui connaît bien sûr la nature et son immersion en elle depuis un moment - dans un documentaire, Le début de la vie 2: dehors ( Ou a commencé la vie 2: La fora ).

Dans le documentaire (Netflix), Goodall et d'autres personnalités médiatiques soulignent l'importance de la relation de l'enfance avec l'environnement naturel. Le film, avec le scénario et la mise en scène de la cinéaste brésilienne Renata Terra, explore comment les relations entre les enfants et la nature peuvent révolutionner notre avenir, tout en interrogeant dans quelle mesure ce contact est possible dans les villes surpeuplées et polluées. Le documentaire souligne comment l'arrivée du covid a accentué les conséquences de la privation d'espaces extérieurs dans la vie de la plupart des enfants du monde et montre l'urgence de reconstruire cette relation d'une manière plus saine et plus intégrée avec la planète.

« J'ai rencontré de nombreux jeunes qui semblaient avoir perdu espoir, certains s'ennuyaient, d'autres déprimés, le tout comme s'ils s'en moquaient du tout», explique le primatologue dans le documentaire. «Lorsqu'on leur a demandé les raisons de leur attitude, ils ont répondu:« Vous ruinez notre avenir et nous ne voyons aucun remède ». Nous les volons en détruisant l'environnement, mais je ne pense pas qu'il soit trop tard, il est encore temps ».

L'optimisme est l'un des traits les plus remarquables de Jane Goodall, avec sa passion, sa clairvoyance et sa fine ironie. «J'ai passé une grande partie de ma vie à travailler avec les enfants et la nature», répond la primatologue, dans une interview par vidéoconférence avec ce journal, en lui demandant pourquoi elle s'est impliquée dans le documentaire. «Je considère qu'il est très important pour les jeunes de se connecter ou de se reconnecter à l'environnement naturel, afin de l'apprécier et de comprendre qu'il doit être protégé. Le problème est que de nombreux gouvernements ont misé ces derniers temps sur un développement économique illimité qui mène au désastre, il est donc essentiel de changer notre modèle de relation à la nature si nous voulons avoir un avenir et le donner aux jeunes.

Goodall, qui a dû faire un arrêt forcé dans ses voyages en raison de la pandémie (elle qui depuis 1986 n'est restée figée nulle part pendant plus de trois semaines), vient de chez elle en Angleterre, devant des étagères avec des livres et des photos. Il est surprenant (ou pas tellement) que certains chimpanzés soient encadrés avec ceux de la famille. «Travailler avec les enfants et les jeunes et les inspirer a toujours fait partie de mon travail, surtout depuis que j'ai incorporé en 1991 un programme environnemental spécifique pour les jeunes dans mon institut, Roots & Shoots (Roots and Shoots). Ma propre expérience d'enfance m'a été très utile. J'ai vécu très immergé dans la nature, bien sûr, c'était une époque où il n'y avait ni télévision ni ordinateur. C'était une époque très différente. Il a passé beaucoup de temps dans le jardin. J'étais très heureuse quand j'étais dehors avec mon chien. Il grimperait aux arbres, puis il longeait la mer et escaladait les falaises. Et je regardais les animaux. " Petite fille autrefois, pendant la guerre, elle a passé cinq heures à manquer à l'horreur de sa mère. À son retour, il a dit qu'il avait regardé une poule; pour savoir comment ils ont pondu.

Son premier chimpanzé était un cadeau d'animal en peluche de son père et il le portait partout. «À l'âge de dix ans, je lisais L'histoire du docteur Dolittle , de Hugh Lofting, ils me l'ont donnée à Noël 1945, et les livres de Tarzan. Je voulais aller en Afrique et rencontrer des animaux sauvages. L'Afrique était très loin, à cette époque de guerre, personne n'avait d'argent. Mais ma mère, une femme merveilleuse, m'a encouragée en me disant que je pouvais tout réaliser si je faisais suffisamment d'efforts et travaillais dur, et profitais des opportunités. Tarzan était important. "C'était une de mes inspirations d'aller en Afrique, des livres pas des films, je les ai toujours tous, ils sont là-bas dans la bibliothèque." Être appelé Jane était probablement pertinent. «Tarzan a épousé la mauvaise Jane», plaisante-t-il.

Goodall n'est pas d'accord avec le fait que les enfants sont instinctivement cruels envers les animaux. «Pas du tout, leur première approche est caractérisée par la curiosité, et s’ils font du mal, c’est par ignorance. C'est pourquoi ils doivent être introduits de manière amicale et éducative dans la nature. Les enfants savent instinctivement que les animaux sont comme nous. Lorsqu'il y a violence délibérée envers les animaux, les études montrent que l'enfant a également un comportement violent envers les êtres humains ».

Les bébés chimpanzés ressemblent-ils à des enfants? «Oh oui, ils sont plus actifs, mais ils s'accrochent aux mères de la même manière. Ils passent cinq ans avec eux. Le type de mère que vous avez est très important pour les humains et les chimpanzés. Mon fils a appris à marcher à Gombe et le processus est similaire bien que tout soit beaucoup plus lent chez l'homme ». Jane Goodall vit la pandémie avec résignation. «Je n'avais pas été enfermé de ma vie si longtemps. Mais je suis très occupé. En fait, cela n'avait jamais été aussi long, même pas en voyageant tout le temps. Je passe la journée à faire du Zoom, Skype, des conférences, des conférences, des interviews, la rédaction d'articles. En revanche, je touche curieusement plus de monde qu'avec mes tournées.Assis ici, en trois jours, j'ai donné des conférences en Chine, à Taiwan, en Turquie, en Autriche, en Allemagne, en Argentine… Au début, j'étais très en colère de ne pas pouvoir voyager. Mais vous finissez par penser positivement ».

Concernant la pandémie elle-même, il rappelle qu'il s'agit d'une "maladie zoonotique, dans laquelle le virus est passé d'un animal à un humain", et que nous sommes responsables "d'avoir créé les conditions pour que cela soit facile, détruisant l'environnement et mettant le Les animaux sauvages en contact étroit avec les humains, les mangent, les trafiquent, envahissent leur habitat, les vendent aux marchés de la viande de brousseAfricains… dans ces situations, le saut de la maladie est facile ». Pensez-vous que les choses se passent bien dans la lutte contre la pandémie? «Dans certains endroits oui, dans d'autres non. Ce sont des décisions difficiles pour les gouvernements, l'économie souffre, les gens perdent leur emploi. D'un autre côté, on ne peut pas laisser les gens se détendre et oublier à quel point il est important de porter un masque ». Goodall souligne que la pandémie est une bonne occasion de repenser notre relation avec la nature. «C'est comme avec le changement climatique, nous devons reconnaître la menace et agir en conséquence, tous ensemble; et mettre un terme à cette folle idée qu'il peut y avoir une croissance économique illimitée sur une planète aux ressources limitées… ».

Le primatologue rappelle que les chimpanzés sont des victimes récurrentes de maladies infectieuses. «Ils peuvent les prendre aux humains et nous sommes horrifiés qu'ils soient infectés par ce coronavirus, cela ne s'est pas encore produit et nous croisons les doigts pour que cela ne se produise pas. Ils sont très sensibles à ces infections respiratoires ». Goodall se souvient de la terrible épidémie de polio que les chimpanzés de Gombe ont subie dans les années 1960. Comment ont-ils réagi? «Eh bien, nous ne savons pas pour certains d'entre eux parce qu'ils ont tout simplement disparu et sont morts. Mais parfois, nous voyions un individu traîner un bras paralysé et les autres chimpanzés se branlaient, s'enfuyaient, mettant en quelque sorte une distance sociale. C'était terrible. Parce que les chimpanzés cherchent désespérément le contact avec leurs pairs. Et ils ne comprenaient pas pourquoi ils étaient rejetés ».

Parmi les nouvelles idées sur les chimpanzés , le chercheur dit que la plus notable est la façon dont le concept selon lequel les animaux ont une personnalité et un esprit s'est propagé des primates supérieurs à de nombreuses autres espèces. «Quand j'étais étudiant, l'idée même de nommer un chimpanzé ou de croire qu'il pouvait avoir des émotions ou répondre individuellement à des stimuli était presque ridicule. Depuis, les choses ont beaucoup changé ». La question de savoir si les chimpanzés peuvent se comporter d'une manière spirituelle est l'une des questions les plus innovantes et les plus épineuses. «A Gombe il y a de grandes chutes d'eau et les chimpanzés, surtout des groupes de mâles, semblent extatiques d'une certaine manière avant le spectacle, depuis longtemps, appuyés sur un pied puis sur l'autre, cela semble un sentiment d'admirationpeut-être semblable à celle des humains préhistoriques face aux phénomènes naturels et atmosphériques ».

 

Portrait de lanterne 63

 Dire qu'ici nous tuons des chevreuils en ville car trop nombreux . Ou simplement a cause de la déforestation .

Bien sur ils ne vont pas jeter la viande mais pour le moment personne n'atend apres ;ca pour manger.