L'énergie des fous

Publié par Rimbaud le 14.09.2017
2 135 lectures

    Etre malade, c’est ne plus avoir pleinement possession de son corps qui échappe, n’est plus appartenu pleinement, devient l’objet d’une médecine curieuse, se trouve pris en charge comme on se saisit d’un vieux manuscrit resté inachevé, tel l’objet de curiosité qu’on scrute dans les moindres détails pour en deviner les secrets. Le corps n’est plus totalement le lieu de l’intime, il se trouve partagé en dehors de la sphère sexuelle : des mains le palpent, des regards le considèrent, des courbes disent son évolution, des traitements le contrôlent. La solitude n’est plus pleine et entière, les fantômes blancs des hôpitaux le suivent à la trace même quand le pas accélère, qu’il tente de piquer un sprint pour s’extirper de la bienfaisance quitte à s’abîmer en mer, quitte à brouiller les pistes, quitte à porter le masque anonymant du bal des faux-fuyants. Il y a dépossession du corps tenu en laisse, alourdi, entravé, plus tout à fait libre d’aller où il veut et de frapper aux portes les plus dantesques.

            L’Esprit s’agite alors et débute sa danse frénétique. Il jouit, éructe, bondit, bien décidé à venger son meilleur ennemi, à prendre en charge totalement une recréation de l’être, lui qui se sait incarner l’infini et transcender la Mort. L’art n’est plus confiné dans les boîtes miteuses des musées. L’art n’est plus le passe-temps des ennuyés qui comblent des vides. Il n’est plus patient. Il ne se maintient plus dans les évanescences d’une rêverie inutile. Il est urgence, acte et cri. Il affirme que la partie n’est non seulement pas terminée mais qu’elle vient seulement de débuter et qu’il y consacrera l’énergie des fous. Il est cette façon de déambuler dans les rues des idées, une posture spirituelle dénuée des chimères de la croyance. Il est la démarche agile née de l’entrave du corps. Il n’est pas de combat négatif. Rien ne doit être forcé, contraint, subi. La véritable lutte est de l’ordre d’une légèreté fine et insaisissable, à l’image des fumées lentes d’un soir de campement quand le feu s’est éteint et que les doigts viennent se mêler aux dernières lueurs d’une flamme consumée. Il trace le sillon sur lequel il leur survivra. Il grave les lumières bleues de la conscience. Il inscrit les images jusqu’alors retenues. Il dérègle les horloges et plante sur les sommets escarpés des jours d’errance le drapeau coloré des hommes décimés. 

Commentaires

Portrait de ouhlala

Très beau texte, merci pour le partage !

Moi, 30 ans à ce rythme je n'aurais pas tenu, peut-être qu-il y a une zone comme ça après l'annonce... la négociation comme dirait kubler-ross. l'annonce ici est un peu comme une décohérence en physique, le chat de schredinger, mort ou vivant, on désintrique et il y en a plein les murs... depuis combien de temps tu regardes cette boîte surréaliste ? ici la préconscience semble avoir beaucoup travaillé, les figures sont trés développées, alors que l'annonce date de 2017...  soit elles devaient sortir depuis longtemps, soit tu vas devoir te calmer pour garder de l'énergie, mais bon c'est peut-être dans ta nature, soit tu te fous de notre gueule non je rigole (ça détends lol), soit tout est littérature. Les quarante ans qui précèdent suscitent bien aussi ma curiosité...Vive Nietzsche, non ?

Rimbaud, tu n'es pas le nouvel avatar de Sealiah, TOUT DE MÊME ?? Colonel Moutarde c'est mon prochain pseudo. 

Portrait de Rimbaud

Je ne suis l'avatar que de moi-même, rien à voir avec Sealiah qui a aussi ce goût d'écrire. Mais le style est bien différent, la voix n'est pas du tout la même (et c'est ça qui est intéressant d'ailleurs). 

Je ne vais pas trop loin dans le surréalisme justement, je me freine car j'essaie d'être lisible, compris. 

Il y a bien des liens étroits entre les 40 dernières années et l'annonce de ma séropositivité mais j'évite de faire des textes trop nombrilistes, enfin j'essaie en tout cas, c'est pas toujours facile. 

Non je n'ai pas à me calmer, ça ne me prend aucune énergie car les textes sont d'une grande briéveté. Il y en aura peut-être de plus longs d'ailleurs, un projet est en cours, on verra. 

Tout n'est pas littérature au sens où tu le dis. Il y a une vraie nécessité dans mon écriture. Rien n'égale Nietzsche à mes yeux. Rien. Totalement rien. Je ne place personne au-dessus de lui.  :)

Portrait de ouhlala

Moi j'en veux encore.

Très marqué par l'essai de Zweig sur Nietzsche et son rapport à la maladie.

Portrait de Rimbaud

Ce qui est bien sur le site, c'est qu'on n'impose rien à personne, ça reste mon blog, mon espace donc si ça ne plait pas, bah la personne ne revient pas pis voilà. Et quand ça plait, on se sent moins seul, on se sent compris, on se sent des points communs, c'est chouette. :)

Faudra que je lise ça alors, je ne connais pas. Merci.

Portrait de cbcb

Moi aussi j’aime lire ce que tu écris !
Tu écris bien, il n’y a aucun doute, on sent la passion dans ton écriture, dans tes mots !
Tes textes m’apportent un réel plaisir et m’oblige à la réflexion, merci !
Mais concernant la maladie, je me demande parfois si tu ne devrais pas aller voir un psy ! (je rigole !)

PS : j'aime aussi lire Sealiah

Portrait de Cmoi

Que quelqu'un de bien portant est un malade qui s'ignore. Le fait d'en avoir pleinement conscience réconcilie le corps et l'esprit et donne finalement, peut être, un certain avantage sur ceux qui n'ont le plus souvent que des problèmes d'immortels. Le spirituel au secours du charnel, c'est tout de même une très belle idée. Saturne n'est plus alors le maître des horloges, et nous reprenons pour un temps le contrôle du sablier. 

Portrait de Rimbaud

message à carte bleue, euh cbcb : j'adorerais aller voir un psy, pas du tout pour guérir quoi que ce soit, je ne me sens pas malade dans ma tête mais c'est passionnant. Le truc, c'est que je n'écrirais plus si je faisais ça... et je préfère écrire. :)

message à Moi, euh Cmoi mais c'est un peu pareil au final. bah voilà, c'était ça mon message en fait. Nous sommes "connectés". Tu perçois toujours clairement l'idée maîtresse, et ça me rassure sur ma clarté.

Portrait de ballif

en 1990 je ne pouvais pas expliquer la raison de ma maladie et aussi le faite que j'avais peur des femmes et hommes puceau je n'y comprenais  situation qui déplait aux médecins  en 1998 je découvre la vérité avec une méthode non allopathique

elle est hors norme et inconnue par la science  pour qu'il garde la face c'était de m'enfermer et de me droguer  j'ai chanché de ville pour me séparer de ces gouroux  ils agisent comme eux envoie leur merseunères pour vous droguer encore   la dernière consultation  elle m'a interdit de parler  je suis phychiatre  donc je sais  elle ,n'étais pas contante et l'infirmier disait c'est pour ton bien  avec leur bon soin j'ai un fauteuil électrique et ne peut plus conduire

 j'ai pu découvrir l'innoirance sur le sida de cette spécialité  comme quoi le dialogue entre eux foncionne à merveille

Portrait de cbcb

Pour moi aussi, le papier (ou plutôt l’ordi) est devenu mon psy ! il ne me contredit jamais, corrige mes fautes, devient mémoire, garde mes intimes secrets, sélecte l’information au gré de mes choix, une véritable encyclopédie !
Le compagnon parfait (un peu trop, peut-être, et peut-être son seul défaut) !

PS : n’espère pas que je te donne mon code !

Portrait de Rimbaud

;) j'aurais essayé (pour le code)

En revanche, je fais quantité de recherches, j'essaie de ne surtout pas m'enfermer en moi-même, je lis beaucoup, j'écoute des avis divergents, je remets en question mes intuitions, je les confronte... Je ne rejette pas le psy comme contradicteur ou dialogueur, c'est seulement que ce que je formulerai devant lui ne le sera pas à l'écrit. Et je tiens à l'écrit. :) (mais tu l'avais déjà compris tout ça)